Impressions de premier tour
Je me suis désintéressée de ces élections régionales en PACA et vu l’offre départementale, me concernant, j’ai renoncé à escalader la colline et les escaliers (le tout digne d’une pyramide maya) au bout desquels se trouve mon bureau de vote. Considérer à 83 ans face à cet environnement hostile que ce scrutin changera peu ma vie, comme une masse d’abstentionniste, n’aurait rien de bien dramatique… si cela n’avait été le choix de l’immense majorité des jeunes… Il est vrai -autant que je m’en souvienne- à la veille du bac, les élections n’auraient pas été ma préoccupation première, il semble effectivement que tout ait été fait pour ce fiasco… Cette désertion en rase campagne, depuis la société privée qui a égaré les bulletins, l’absence de personnel pour les bureaux de vote à Marseille et le tout à la veille du bac… Il me semble que ce gouvernement soit aussi peu doué pour l’organisation d’élections que pour avoir le nécessaire face à une épidémie… Et toujours pour faire trop confiance au privé…
Ne plaisantons pas, nul ne peut se réjouir que l’électorat décroche et en particulier l’électorat populaire, la jeunesse. Il reste une sorte de suffrage censitaire des "nantis", un électorat formé de personnes âgées plus conservatrices ou un électorat qui fluctue et qui peut, suivant les élections, se reporter sur la République en marche, sur les écologistes, la droite, la gauche et ce d’autant plus que les programmes sont peu connus et les effets de mode forts… Le problème s’avère d’autant plus sérieux que cette minorité votante n’est pas représentative, socialement et politiquement, du corps électoral dans son ensemble. Avec cette conséquence que l’abstention modifie substantiellement le résultat des élections. Non seulement sont sous-représentés les chômeurs, les bas salaires, les précarisés mais sont surreprésentés des gens qui s’avèrent incapables de concevoir leur existence… Les mêmes qui dans les médias, au gouvernement, s’avèrent incapables d’avoir à temps des masques, des vaccins, des lits d’hôpital et même des bulletins de vote mais qui se prennent pour des génies… Rien ne dit et tout dit même le contraire qu’une bonne partie d’entre eux votera écolo en local et Macron au national [1]…
Mais l’après-midi, j’étais devant le petit stand cubain et j’ai discuté en particulier avec une femme qui est toute seule avec une copine à chercher à comprendre ce qui se passe… Elle n’appartient à rien, fréquente les réseaux sociaux, ne veut pas se faire vacciner parce qu’"ils" veulent tuer les pauvres gens… la quarantaine contente d’échanger, un grand cœur. Elle n’était pas complotiste comme ça, mais à cause de son isolement, et nous avons discuté durant une demi heure… Pour la première fois j’ai mesuré à quel point le doute qui frisait le complot était peut-être la conséquence de cette incapacité de deux mondes à mesurer leur distance. Elle m’en a plus appris sur le désarroi de l’électorat que tous les politologues et elle confirmait entièrement les propos de Jérome Jaffre lundi, au micro de la matinale d’Europe 1, politologue et chercheur associé au Cevipof : « C’est incontestablement une forme de sanction contre la classe politique », « C’est aussi le sentiment d’une certaine inutilité du vote ». Si j’ai choisi d’ailleurs cet homme pour illustrer l’article, c’est qu’il m’est apparu comme enfin conscient de ne pouvoir rien expliquer selon les catégories de la logique médiatique habituelle…
Une des rares raisons de se réjouir est qu’une partie la plus populaire de l’électorat du Rassemblement National commence à éprouver la même suspicion… mais demeure le réflexe conservateur, la volonté transformatrice sans issue… et ce noyau d’électeurs flottants prêts à voter n’importe quoi.
Parce que je dois dire qu’il y a des logiques qui m’échappent totalement en particulier dans cette région PACA.
En effet, après une campagne de la liste de gauche qui, comme je l’ai écrit, me paraissait totalement orientée vers le vote Muselier puisque l’argument le plus audible du candidat de gauche (un vert) était le danger du RN et pour que le clou soit bien enfoncé, il y a eu une manifestation sur les "libertés" qui avait à la veille du scrutin cette seule vocation selon moi de rabattre sur Muselier, voici que le dit candidat de gauche se maintient en considérant que sa présence dans le conseil régional, même si elle fait élire Thierry Mariani est l’urgence. J’ajoute qu’un total de 16% pour l’union de la gauche dans la région PACA est vraiment le minimum que l’on pouvait espérer.
Ce qui me paraissait prévisible s’est avéré :
1) A savoir l’abstention record, en particulier des jeunes et des couches populaires, implique la nécessité de reconquérir cette abstention-là comme ne cesse de l’affirmer Fabien Roussel
2) Le caractère complètement artificiel de l’idée de l’inexorable duel Macron-Le Pen [2]… Ce sont en fait les deux battus du scrutin… Sans l’espoir de PACA, le Rassemblement national est éliminé partout. La République En Marche a en effet péniblement atteint les 10% au niveau national et n’est pas qualifiée pour le second tour dans trois régions, à savoir les Hauts-de-France, l’Occitanie et l’Auvergne-Rhône-Alpes.
3) Sans parler du peu de crédibilité d’un candidat unique de la gauche... En effet, l’union de la gauche peut dans certains cas créer une dynamique pour les départementales, mais le résultat global est en général plus faible que leur vote à chacun à part [3]. Oserais-je dire que je n’ai pas pleuré sur le score de Clémentine Autain si ce n’est que sa propension à soutenir les bonnes œuvres de la CIA est probablement le péché mignon des deux autres gauches placés devant elle… Ce qui apparait c’est que les candidats communistes avec la FI ne font pas des scores plus élevés que seuls.
Il faut encore que l’on ait les résultats des départementales qui devraient nous aider à voir les premiers effets de "l’autre campagne" sur le terrain des militants communistes. Ce que j’en vois et que je cite par ailleurs me parait prometteur d’un parti qui est en train de mener lutte et élections pour se reconstituer dans une nouvelle relation avec le monde du travail… mais le chemin sera difficile tant le désaveu est fort…
Danielle Bleitrach
Voir en ligne : https://histoireetsociete.com/2021/...