« La démocratie de caserne - Après les attentats, Hollande s’en va-t-en guerre »
Le dernier ouvrage de Jean Salem
Le dernier ouvrage de Jean Salem vient de paraitre aux éditions Delga : "La démocratie de caserne - Après les attentats, Hollande s’en va-t-en guerre". C’est avec plaisir que nous communiquons sur cet évènement qui va à contre courant de l’idéologie fascisante qui fait désormais ambiance. Par la volonté de Valls/Hollande de prolonger l’état d’urgence de manière perpétuelle, le capitalisme montre qu’il a désormais peur des réactions du peuple devant la surexploitation que le système nous impose. Le terrorisme n’est qu’un prétexte : qui ne voit poindre les restrictions des libertés... pour ceux qui tenteraient de remettre en cause le capitalisme ? Il faut dire qu’avec la mise sous tutelle de la Grèce, nous avons en "spectacle" permanent ce qui a de fortes chances d’advenir en France. Nous n’avons pas encore touché le fond... si le peuple ne se réveille pas !
Nous tenons à remercier l’auteur et l’éditeur de nous autoriser à publier en avant première, l’introduction et la conclusion du livre ainsi que la table des matières.
Pascal Brula
Table des matières
– Remerciements
– Introduction
Sur les résultats des élections de décembre 2015
– 1. Paris, 13 novembre 2015. Un bref rappel des faits
– 2. Première fonction des grands médias : fournir une version in-dis-cu-ta-ble des événements
– 3. Les médias, encore et toujours : l’indécente apothéose du psycho-blabla
– 4. C’est la guerre ! On est en guerre !
• La guerre ? — Mais c’est nous qui l’avons déclarée !
– 5. État d’urgence et liberté(s) chérie(s)
• Les beaux jours de la haine anti-immigrés
• Restriction des libertés, encore et encore !
– 6. Les causes fondamentales ?
L’impérialisme et la crise générale du système capitaliste
• La gestion de l’après-Guerre froide
• Sur la genèse du « terrorisme djihadiste »
– 7. La politique internationale de la France :
35 années de dérives et de revirements
– 8. Servilité de l’Union européenne
– 9. France : un semblant de rapprochement avec la Russie
– 10. Où va le Parti communiste français ?
• Des contradictions à foison
• Le nouveau mantra = une coalition, sous l’égide de l’ONU
– Conclusion

Remerciements
Miguel Urbano, immense et formidable ami, m’avait, tout d’abord, demandé de rédiger un article concernant les événements tragiques qui sont survenus à Paris, le 13 novembre 2015, afin de le publier sur le site d’Odiario.info. Ce fut comme un bienfaisant signal de "retour au monde", ou plutôt à la vie active de l’esprit. Puis, Marie-Pierre, non contente de m’entourer et de me choyer, alors que, depuis près de trois mois, je me débattais contre la maladie, a bien voulu relire et amender ces pages qui ont vite constitué la matière d’un petit ouvrage.
Merci à l’immense ami et à ma si douce compagne. Merci à Anne Durand, à Rémy Herrera et à Aymeric Monville, ainsi qu’à tous ceux et à toutes celles – famille, collègues, étudiant(e)s, camarades ou frères et sœurs de combat – qui, de tout près ou du bout du monde, m’ont accueilli ou soutenu, durant cette période, avec tant d’amour, de générosité et de fidèle dévouement. À l’heure de ce qui, je voudrais le croire, ressemble à ma propre "résurrection" ou, du moins, à une rémission, je me prends à rêver, de façon à peine mégalomaniaque, à une résurrection… des peuples ! Qui sait si elle ne va pas, elle aussi, enfin advenir, et avoir le bon goût de nous rendre bonheur et espoir ?
JS, le 1er janvier 2016
Introduction
Sur les résultats des élections de décembre 2015
Ainsi l’un des actes de cette farce sinistre est en passe de bientôt s’achever ! L’un des actes, et non pas la pièce tout entière, car le pire n’est peut-être pas encore advenu. Mais on paraît bien s’acheminer, à pas de moins en moins comptés, vers son dénouement très plausible. Des guerres de plus en plus nombreuses et de moins en moins contrôlables ; des guerres de moins en moins "périphériques" par rapport aux puissances "centrales" ; ainsi que l’anarchie dans les relations internationales, au sein desquelles tout État ou semblant d’État, à commencer par l’hyperpuissance états-unienne, adopte désormais la posture d’un singleton évoluant dans une sorte de status naturalis, "d’état de nature" (c’est-à-dire dans l’indépendance à l’égard de toute loi extérieure, – sinon à l’égard de celle du plus fort, comme de juste) [1]. Et comme à la veille des deux guerres mondiales, une crise financière majeure, structurelle, la montée des nationalismes, de l’envie d’en découdre, l’absence d’une résistance cohérente et organisée, et cent autres symptômes analogues : les élections régionales françaises des 6 et 13 décembre derniers ont consacré la victoire idéologique, "morale" et organisationnelle du Front national, le parti d’extrême droite français. Ce parti, qui fut fondé en 1972, par un petit groupe de néofascistes et de nostalgiques du régime de Vichy (dont un certain Léon Gaultier, ex-sous-lieutenant de la Waffen-SS), regroupés autour d’un ancien tortionnaire de la guerre d’Algérie, aura tout de même réuni plus de 6,8 millions de suffrages au soir d’un 2ème tour qui ne lui a, cependant, pas même assuré le gain d’une seule présidence de région [2]. Une alliance bizarre de la droite dite "classique" mais néanmoins virulente, et d’un melting pot dont le Parti socialiste composait le pivot fort peu engageant ; des retraits de listes de "gauche" au bénéfice de celles d’en face, sous prétexte de mettre sur pied un "front républicain" ; et des « fusions techniques », au demeurant fort étonnantes, opérées ici ou là entre les listes censées représenter la "gauche de la gauche" (communistes, écologistes, divers) avec les listes du Parti socialiste : tels ont été les divers procédés qui, sans le moindre débat d’idées, ont permis d’en arriver là. Du coup, au soir du 2ème tour de cette élection, le 13 décembre, compte non tenu des près de 19 millions d’abstentionnistes et des 5,7 millions de non inscrits, ce sont deux "forces" ayant réuni l’une (les "Républicains" et leurs alliés) quelque 10 millions de suffrages, et l’autre (le PS et ses satellites) pas plus de 7,3 millions, qui se sont taillées la part du lion en matière de sièges de conseillers régionaux (1259 sièges sur les 1758 qui étaient à pourvoir, soit près de 72 % des sièges !), – alors même que ces deux forces n’ont été choisies que par à peine 34 % des 51 millions de personnes en âge de voter…
Reste un "perdant" à la présence duquel tous devront s’ajuster : le Front national de Marine Le Pen. Car ce scrutin a toutes les apparences d’un simple sursis. On en retiendra, notamment, que, dans un pays où 2 millions de jeunes gens âgés de moins de 25 ans sont au chômage et sans formation, 76 % des électeurs ayant entre 18 et 24 ans (contre 49,4 % d’abstentions sur l’ensemble des inscrits) ne se sont même pas rendus aux urnes, le 6 décembre dernier, jour du 1er tour de ces élections régionales. Et, parmi ceux (bien rares) qui se sont déplacés ce jour-là, 34 % des 18-30 ans ont résolument accordé leurs suffrages au Front National [3].
Pareil phénomène est présent d’assez longue date dans presque tous les États européens. Il se traduit par la croissance en Suisse de l’UDC, dont le leader Oskar Freysinger veut défendre « le drapeau national, [lequel] porte une croix », et l’ « hymne national, [qui] a, rappelle-t-il, la forme d’un cantique ». Ce vent mauvais gonfle, en Pologne, l’électorat du PiS (le parti "Droit et justice", "Prawo i Sprawiedliwość"), dont le député Marek Jurek dit refuser « l’islamisation » du pays. En Italie, il fait voter pour la Lega, qui n’est plus seulement du Nord : le Sénateur Volpi, qui en fait partie, affirme clairement s’opposer au « déferlement migratoire » et défendre les « valeurs ancestrales ». Les pays nordiques, comme le fait encore observer Francis Arzalier, voient à chaque échéance électorale croître les mêmes défenseurs hargneux d’une identité prétendument menacée, "Vrais Finlandais" à Helsinki, "Démocrates" de Suède ou de Norvège, "Parti du Peuple Danois" à Copenhague, qui se définissent tous comme « identitaires », fascistes de tout poil proclamant haut et fort que les anciens collaborateurs des nazis furent en vérité les vrais « patriotes », en Slovaquie, en Lettonie, en Ukraine, etc. Ou bien encore, partisans de l’universitaire britannique John Laughland, proche du parti UKIP (UK Independence Party), ou les inquiétants manifestants de "Pegida" [4], à Dresde, en Allemagne, pour lesquels la formule « Nous sommes le peuple » exprime la volonté de défendre le « sang germanique », comme il y a 70 ans [5]...
1 - Paris, 13 novembre 2015. Un bref rappel des faits
Paris aura connu, le vendredi 13 novembre 2015, une soirée marquée par les pires attentats jamais commis en France. 130 morts, 351 blessés. Il s’est agi, en l’occurrence, d’un effarant cocktail, fait de plusieurs massacres coordonnés, qui rappellent à la fois : 1°/ les massacres de Mumbai, en Inde (en novembre 2008, une dizaine d’attaques coordonnées y avaient entraîné la mort de 170 personnes tuées au hasard et avaient occasionné les blessures de 300 autres) ; 2°/ la prise d’otages du théâtre de la Doubrovka à Moscou (170 morts, en octobre 2002, après la prise en otage de près de 1000 spectateurs par un commando tchétchène composé d’une cinquantaine d’hommes armés) ; 3°/ le très récent attentat kamikaze de Beyrouth (le 12 novembre, deux kamikazes actionnent leurs ceintures explosives devant un centre commercial, causant la mort de plus de 40 personnes, non sans en blesser 200 autres)…
Les Français et tous ceux qui résident en France se sont réveillés le lendemain de ce 13 novembre, "sonnés", groggy, envahis de tristesse. Ils ont été sommés d’apprendre que le pays était, désormais, « en guerre ». C’est là, en effet, la formule qu’a entonnée, à l’unisson, la plupart des membres de la "classe politique" : le président François Hollande (Parti socialiste), son premier ministre, Manuel Valls (qui, égal à lui-même, a évoqué une « guerre qui nous a été déclarée »), son prédécesseur Nicolas Sarkozy (droite), etc. « Cette fois, c’est la guerre », pouvait-on lire le samedi 14, au matin, en première page du journal Le Parisien-Aujourd’hui en France. Sur une "une" totalement noire, Le Figaro parlait, lui aussi, de « La France en guerre », etc.
2. Première fonction des grands médias : fournir une version in-dis-cu-ta-ble des événements
Comme c’est la norme, pendant plusieurs jours et à jet continu, les grands médias ont unanimement seriné une version unique et censément in-dis-cu-ta-ble concernant l’identité des tueurs, leur modus operandi, le moindre de leurs faits et gestes. Ces messieurs-dames, d’ordinaire si agressivement ironiques, si obsessionnellement portés au "décryptage" et à la mise en cause de la moindre déclaration d’un "méchant" (qu’il s’agisse d’un chef d’État à abattre, ou d’un simple syndicaliste), se sont, comme toujours, bornés à rabâcher cette version, sans jamais y souligner aucune bizarrerie ou invraisemblance. À marteler, autrement dit, des informations émanant, pour l’essentiel, des services de la police nationale et des officines gouvernementales.
Au début de cette même année 2015, à l’occasion de l’assassinat des caricaturistes du journal Charlie Hebdo, on avait déjà appris que les membres d’un commando de tueurs à l’allure très "professionnelle", avaient pu être retrouvés, puis abattus (comme c’est l’usage) en l’espace de 24 heures, du fait que l’un d’entre eux, Saïd Kouachi, aurait… laissé sa carte d’identité dans un véhicule utilisé, puis abandonné par les tueurs quelque part aux limites de Paris. Étrange scénario. Cette fois-ci, au mois de novembre, les médias aux ordres se sont ingéniés à diffuser en boucle des micro-détails que personne ne pourra jamais vérifier, mais qui constituent la version officielle concernant la façon dont auraient procédé et dont auraient été exécutés des criminels qui n’auront eu ni procès ni silhouette bien précise. Pour nous limiter à un seul exemple, il est difficilement compréhensible que plusieurs de ces trois "kamikazes", qui, selon ce qui a été rapporté, avaient « minutieusement préparé leurs opérations », se soient fait exploser loin des foules. Trois d’entre eux s’étaient pourtant, nous a-t-on dit, rendus aux abords du Stade de France, à Saint-Denis, un soir de match de football. Il y avait foule… Puis, ils auraient, chacun de son côté, actionné le détonateur de leur ceinture explosive, l’un dans une rue adjacente, l’autre devant un bar, et le troisième devant une porte du stade désormais déserte. Tout cela pour ne tuer finalement qu’une personne, un passant particulièrement malchanceux. Mais l’attentat suicide le plus troublant a eu lieu au bistrot "Comptoir Voltaire", à proximité de la place de la Nation. Selon L’Express, un journal dit sérieux, « le terroriste s’est installé tranquillement dans le café. C’est lorsqu’il a passé la commande qu’il s’est fait sauter » [6], ce qui a entraîné sa propre mort ainsi que des blessures dont a surtout été victime une malheureuse serveuse qui se trouvait pourtant à moins d’un mètre de lui [7].
Cela s’ajoutant aux désormais classiques scènes hallucinantes qu’ont déversées à longueur de journée les chaînes dites "d’information", principaux vecteurs de la diffusion de la terreur en France, tout se sera donc déroulé, d’emblée, comme si l’on avait souhaité obtenir à toute force une parfaite soumission des élus et des simples citoyens à l’opacité militaire.
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Conclusion
Bref, après les attentats de Paris, de Beyrouth, d’Ankara, de Bamako et d’ailleurs, le meilleur hommage que nous puissions rendre aux victimes, c’est de lutter contre la guerre, contre le système capitaliste qui la fomente et qui l’a répandue à peu près partout dans le monde ; contre ses fidéicommis qui mènent les peuples à la ruine et au désastre globalisé ; contre le racisme qui divise et qui tue ; contre les lois liberticides que d’aucuns voudraient, en cette occasion, imposer sans restriction de durée aux vivants.
En France même, pays où, depuis la chute de Napoléon Bonaparte, en 1815, les dictatures n’ont jamais su durablement s’imposer, des signes d’espoir apparaissent, malgré l’apathie générale et la capitulation de la gauche officielle : dès le dimanche 22 novembre, à Paris, une manifestation de 500 personnes venues exprimer leur solidarité avec les réfugiés qui affluent massivement en Europe, s’est transformée en défilé contre l’état d’urgence, et les slogans sont vite devenus : « état d’urgence, État policier ! », « On ne nous enlèvera pas le droit de manifester ! ». Le cas s’est souvent reproduit. À Nantes, à Saint-Denis. La veille, à Toulouse, ce sont au bas mot 15.000 manifestants qui avaient arpenté les rues du centre ville, « pour les libertés et la paix, contre la barbarie et les amalgames ». Certains étant munis d’un brassard : « Vos guerres, nos morts ». Voilà qui en dit long sur l’impact plus que relatif qu’aura pu avoir, dans de larges secteurs de la population française, la posture martiale soudainement adoptée par le président Hollande.
Et, dans un appel unitaire, judicieusement intitulé : « Nous ne céderons pas », publié par 90 associations (dont la Ligue des Droits de l’homme), ainsi que par 15 syndicats (dont la CGT), cela est clairement spécifié : l’état d’urgence « ne peut pas devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l’exercice de la citoyenneté et le débat public ». « Nous ferons prévaloir en toutes circonstances, ajoutent les associations signataires, notre liberté d’information, d’expression, de manifestation et de réunion ». Quant à l’enjeu le plus immédiat, il consistera très précisément à tout faire pour barrer la route au funeste projet du gouvernement "socialiste", lequel aspire, envers et contre tout à doter cet "état d’urgence" d’un fondement juridique incontestable, pérenne, presque éternel, en le sanctuarisant dans un paragraphe de la Constitution française ! Pour le reste, il est aisé de pressentir que bientôt, très bientôt, "ceux d’en bas" ne voudront plus et que "ceux d’en haut" ne pourront plus continuer de vivre à l’ancienne manière. Chacun comprendra alors avec évidence qu’un autre monde est possible, et que celui qui connaît tant de convulsions ces temps-ci aura tôt fait, si l’on n’y prend garde, de conduire l’humanité à sa perte. Ainsi le "cru" de 2016 ne sera pas seulement celui de la montée des eaux, un peu partout sur notre planète : il sera aussi, souhaitons-le vivement, celui du développement des luttes, de la coordination des révoltes, de l’organisation de toutes ces résistances qui se font jour ici et là contre ce système insensé, immoral, qui porte en lui la destruction, l’exploitation, la misère et la mort.
Jean Salem
Versailles, le 1er janvier 2016