Loi "El Kohmri" : comment sauver le soldat PS...
et tirer dans le dos du mouvement social.
L’Humanité du dimanche 3 juillet nous apprend que « Des cadres dirigeants lancent un appel pour renouer avec le dialogue social en France ». Mais de quel dialogue parle-t-on ? Je ne savais pas qu’il y avait du "dialogue social" sous le système capitaliste. Ah oui ! C’est peut-être ce fameux dialogue qui fait que les syndicats doivent régulièrement rencontrer le patronat et le gouvernement et ressortir en ayant toujours dit oui : le dialogue du "béni-oui-oui". Mais où est le temps où l’Huma était l’organe central du PCF, c’est-à-dire des communistes, prenant parti, contestant, argumentant ? Y a-t-il encore des communistes qui dirigent l’Huma ? Comment peut-on avoir un titre aussi neutre vis-à-vis de ce texte, véritable coup de poignard dans le dos du mouvement social ?
Penchons-nous sur cet appel… Il est revendiqué par des membres de l’UGICT dont sa secrétaire générale. Qui trouve-t-on dans cet attelage hétéroclite ? Oh surprise, il y a des membres éminents du PCF, à savoir le responsable de la section économique, Frédéric Boccara, le "fils de", et puis Denis Durand, lui aussi membre de cette section ainsi que Denis Gibelin, membre du CN. Il y a aussi une majorité de cadres supérieurs, que la surexploitation capitaliste actuelle ne doit pas beaucoup toucher, mais qui ont le cœur sur la main (je n’en mettrais pas la mienne à couper)... Cet appel sent à plein nez le résultat de tractations avec le PS comme gage de quelques strapontins futurs (?).
Que nous dit cet appel ? « Sur le plan économique, depuis quelques semaines, les investissements repartent dans notre pays tout comme la consommation des ménages. Tout cela reste fragile et conjoncturel, mais cette légère embellie économique est le produit de la mise en commun des intelligences et des savoir-faire ». Eh les p’tits gars, vous êtes sûrs de ce que vous avancez ? On dirait du Hollande dans le texte. Apparemment oui, puisque vous êtes des têtes tellement bien pensantes !
Et puis le texte continue, comme si le mouvement social contre la Loi "El Kohmri" était étranger aux signataires de ce texte, figés dans une sorte de neutralité d’observateurs, dont la plupart sont membres de l’UGICT, syndicat à part entière de la CGT : « Le gouvernement croit détenir toute la vérité. Pourtant, une bonne partie des Français ne partage pas ses positions et l’exprime, certains par des actions, des grèves, d’autres à travers des sondages d’opinion ». Ou encore : « Chacune des parties a fourbi ses arguments. Les points de désaccords sont identifiés ». On a envie de leur demander "Et vous, vous en pensez quoi ?". En fait ils pensent ça : « La loi Travail, en rompant avec les régulations sectorielles au niveau de la branche risque de généraliser ces logiques [1] ». Ah oui, maintenant c’est clair...
D’ailleurs, les travailleurs et le gouvernement sont renvoyés dos-à-dos, puisque ce sont les ennemis de la démocratie qui vont profiter du conflit : « Pendant ce temps, les ennemis de la démocratie comptent les points en silence, usent de démagogie pour engranger les mécontentements. Ils s’apprêtent à sortir du bois le moment venu. Quel en sera alors le prix à payer pour notre économie, pour nos entreprises ? ». Ben oui quoi, faut vite "dialoguer", sinon c’est notre "économie" qui va en pâtir… ou leurs profits ?
C’est pourquoi, d’après eux, il faut retrouver le calme, la tranquillité, et la "cohésion sociale", j’ai envie de rajouter, travailleurs et patrons, main dans la main : « Face à ces dangers et aux diverses provocations violentes qui se développent en marge des manifestations, il est indispensable de retrouver dès que possible une cohésion sociale et économique dans notre pays ». Dites, vous n’avez pas d’avis sur qui est à l’origine de ces provocations violentes ? Et puis surtout, l’appel nous dit que tout cela doit se conclure par le fameux "dialogue social", ce merveilleux "dialogue social" par qui tout doit arriver, notamment les nouveaux droits pour les salariés (non, non, je ne déconne pas !) : « Pour cela, la seule solution dans une démocratie demeure le dialogue. Un dialogue apaisé, sans provocations et qui conduise à des avancées sociales. Il est temps que des négociations s’engagent afin de parvenir à un accord qui apporte de nouveaux droits pour les salariés ».
Non, non, pas la peine de se pincer, c’est bien réel, nous ne rêvons pas. D’ailleurs, le texte et les signataires sont à l’adresse suivante sur le site de l’Huma : http://www.humanite.fr/loi-travail-des-cadres-dirigeants-lancent-un-appel-pour-renouer-avec-le-dialogue-social-en-france
Et oui, vous avez bien lu : cette vision de bisounours est portée par "d’éminents" membres du PCF et de l’UGICT. La lutte des classes ? Connait pas ! L’exploitation de l’homme par l’homme ? Non plus ! Et vive le "dialogue social" !
Pascal Brula