38ème congrès PCF
Pourquoi il ne faut pas jouer avec l’opinion des communistes

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 63%

Mon métier est d’être sociologue et j’ai tendance à analyser les faits politiques d’une manière peu habituelle, ce qui souvent m’empêche de faire pleinement partager mes convictions d’ailleurs. Si l’on devait caractériser un de mes modes d’observation, il s’agirait de l’attention portée sur l’événement et ce qu’il révèle de "structurel". Le fait divers, l’agitation politique souvent de surface et prêtant à toutes les manipulations et à tous les malentendus médiatiques, si l’on en fait un point de capiton (1) avec les rapports de classe et les caractéristiques quasi anthropologiques d’une société peuvent révéler beaucoup de choses. Mon autre mode d’observation consiste à croiser les statistiques et les représentations des protagonistes, les agents, agis autant qu’acteurs d’une situation.

Cette manière de passer sous observation avec filtres successifs les faits sociaux conjoncturels me permet parfois de dire qu’il faut faire attention parce que nous touchons à quelque chose de plus essentiel que cela n’en a l’air. Il en est ainsi du vote des communistes.

Je ne saurais trop recommander aux dirigeants communistes actuels de se montrer très prudents dans leur tentatives de manipulation du vote communiste. Le mouvement, ils le savent bien, est plus fort que ce que les chiffres révèlent, parce que pour une bonne part les chiffres de leur base commune dite celle du conseil national, sont le fruit d’une force d’inertie, voir de votes acquis là où ils tenaient les manettes. Alors que le vote pour le "Manifeste" est celui d’une force qui exige le changement dans le calme et la tranquillité. En outre, il y a la culture inconsciente des communistes dont ils ne soupçonnent même plus l’origine qui est le refus de la division, mais aussi le refus de toute présidentialisation du parti. Il y a effectivement point de capiton entre un refus général qui est celui de la société de continuer comme avant face à la montée des périls, mais aussi une culture communiste. Choisir d’aller à contrario non seulement d’un mouvement, mais d’un donné quasi anthoropologique de la culture communiste (par parenthèse elle les rend allergique à la forme mouvement et au leader charismatique à la Macron ou Mélenchon), c’est prendre des risques aux conséquences incalculables.

Nous sommes bien dans une réorientation stratégique que l’on ne pourra pas noyer dans une motion de synthèse à la Hollande grâce à une réécriture de la base choisie, ni en faisant jouer le légitimisme autour du secrétaire national, ni en créant des alliances entre textes contre un troisième, tout cela appartient à une culture social-démocrate qui n’est pas celle des communistes et surtout qui est parfaitement étrangère à l’ébranlement général de la société capitaliste dans lequel nous sommes pris. Il faut prendre de la hauteur.

Sur la question des directions, je repense à Georges Seguy nous disant un soir de réunion du comité central : « il y a trop de cruauté à exiger des gens qu’ils dirigent une ligne qu’ils ne partagent pas ». Je n’ai rien à ajouter.

Danielle Bleitrach

(1) Un point de capiton est ce qui dans la tapisserie coud certains endroits du tissu embourré avec le châssis. Mais Lacan qui emploie cette image tente aussi à travers elle de démontrer, d’une part la valeur, le poids et l’incidence de certains signifiants pour un sujet, d’autre part d’envisager en quoi le signifiant est ou non articulé à d’autres.

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