Quelques réflexions personnelles sur « la feuille de route » chinoise par Danielle Bleitrach

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Hier dans le cadre de mes études de chinois, j’ai eu un partiel de démographie sur la Chine. A cette occasion, celle d’une révision-bachotage (c’est hélas la loi des partiels) il a fallu que je travaille un problème central pour ce pays, celui du contrôle d’une population qui peut à la fois être son principal atout mais aussi rendre par ses effets de masse les problèmes plus aigüs. Rien ne me met plus en colère, on le sait dans ce blog, que ce mélange d’ignorance et d’arrogance dont mes concitoyens et l’occident en général font preuve dans l’appréciation de ce qui se passe dans le vaste monde et en Chine en particulier et si j’anime le dit blog c’est pour tenter de lutter contre cette désinformation inculte et néo-colonialiste. Disons tout de suite qu’en matière de sciences sociales, la démographie est ce qui se rapproche le plus d’une science « dure » et elle permet de démonter bien des idées reçues.Donc briévement voyons quelques « évidences »

Quelques leçons de la démographie

Regarder simplement les grandes masses statistiques depuis l’établissement de la République populaire de Chine permet au moins de dépasser quelques stéréotypes médiatiques.

Par exemple quand on nous bassine avec les « crimes » du maoïsme, on oublie un certain nombre de faits, leur premier indicateur est le changement total de régime démographique Chine depuis l’avénement de la République populaire . Jusqu’en 1953, nous avons une situation caractéristique du sous développement, une forte natalité et une forte mortalité, une espérance de vie qui ne va pas au-delà de 35 à 40 ans.Aujourd’hui c’est 72 ans et c’est une faible mortalité (liée en grande partie à la jeunesse de la population) et une baisse spectaculaire tout en restant forte (par exemple par rapport à Cuba) de la mortalité infantile.

Sous la République populaire non seulement la Chine a conquis son indépendance, a commencé une lutte contre le sous développement, là dessus le discours peut être idéologisé dans un sens et dans un autre, en revanche il est impossible de tronquer le fait que ce pays a atteint en deux temps sa transition démographique, c’est-à-dire d’abord moins de mortalité et cela a été du aux mesures de prévention de la santé publique, les campagnes de vaccination, la diffusion d’une médecine au plus près des gens (les médecins aux pieds nus), la santé comme l’éducation, la protection sociale en général était meilleure sous Mao qu’aujourd’hui. En revanche, il existe d’incontestables problèmes d’alimentation, un rationnement qui va être accru en deux circonstances au moins. Si on regarde la pyramide des âges chinoise on a un creux manifeste qui correspond au grand bond en avant. Il y a eu incontestablement des morts sinon de faim à tout le moins d’anémie, mais il y a eu surtout une carence de naissance, et la démographie confond les deux phénomènes, ainsi quand on dit que le grand bond en avant (1) a occasionné entre 35 et 60 millions de morts, en fait ce sont surtout des gens qui ne sont pas nés à cause des temps difficiles.

Cela dit ces deux ou trois années de carences ne nuisent pas au développement pléthorique de la population. C’est à la fois un problème et ça a été avec l’épargne une des raisons fondamentales de la dynamique chinoise : la Chine a bénéficié ces dernières années d’une population jeune et avec une structure productive tout à fait intéressante : 14% de jeunes qui ne travaillent pas, 7% de viellards qui ne travaillent pas plus et le reste de la population est active, trés active, beaucoup de travail et peu de charges.

A partir de 1980, dans le cadre des réformes va être mise en place une politique de contrôle des naissance trés strict, connu sous le nom d’enfant unique. En fait cette politique sera appliquée seulement dans les villes moyennes et grandes villes. A la campagne dès 1984, on autorise un deuxième enfant si le premier est une fille, c’est-à-dire qu’il n’assure pas la vie de ses vieux parents mais celle de ses beaux parents. Cette politique n’est pas appliqué aux minorités, seulement aux hans. Mais en fait elle est extraordinairement efficace, si elle n’avait pas été appliquée il y aurait 1 milliard 700 millions de chinois alors qu’ils sont 1 milliard 3OO millions.

Aujourd’hui, cette politique de l’enfant unique est remise en cause et la réunion de l’assemblée populaire le mois dernier a donné lieu à d’importants débats sur cette question. Comment conserver une population jeune tout en continuant à limiter les naissances, comment préserver l’environnement sur lequel pèse une population pléthorique tout en conservant le dynamisme, comment surtout aboutir à un meilleur équilibre égalitaire sinon en n’accroissant pas la population ? etc… etc..

Tout cela pour vous dire que quand on, se plonge dans les défis extraordinaires auxquels la Chine est confrontée et le débat réel qui existe autour de ces questions on est admiratif devant la réelle prise de conscience de la nature des enjeux pour la Chine et pour le reste de l’humanité. En effet la Chine est entre le quart et le cinquième de l’humanité, toute modification de la situation chinoise entraîne une transformation des statistiques de la planète. Il en est ainsi du passage du rural à l’urbain mais aussi de la sortie d’une grande partie de la population mondiale de la misère et l’accès justement à la transition démographique. On peut dire que les effets les plus terribles du capitalisme qui se traduit pour certains peuples par une diminution de l’espérance de vie sont en quelque sorte masqué par le »poids » démographique de la Chine.

Mais la situation chinoise donne une dimensions paradoxale, parce que pour rester dans le domaine de la démographie, si la Chine a atteint la transition démographique, c’est-à-dire une population qui vit plus longtemps, un taux de mortalité infantile qui baisse d’une manière spectaculaire, une maîtrise de la natalité dans un contexte qui demeure celui du sous développement, avec un PIB par habitant encore trés faible sans aucun rapport avec celui du japon voisin. En voyant ces indicateurs j’ai pensé à Cuba et je me suis dit que peut-être la caractéristique du socialisme et de ses résultats est là : dans ce passage à la modernité démographique qui au-delà de la sécheresse statistique témoigne d’une amélioration nette de la vie, en particulier celle des femmes(2).

La feuille de route de la Chine dans le développement mondial

J’en retire également un certain respect pour ceux qui en Chine conduisent ce processus difficile et voici que je découvre des nouvelles qui me confortent dans cette opinion. C’est le protocole d’accord qui vient d’être signé entre la Chine et les Nations Unies visant » à davantage d’efforts dans les domaines de la protection durable de l’environnement, la justice sociale, et pour rehausser la place du pays au sein de la communauté internationale ».

Cette feuille de route a été dévoilée conjointement par le Vice-ministre du commerce Yi Xiaozhun et Khalid Malik, résident coordonnateur des Nations Unies en Chine, qui achèvera dans les deux semaines qui viennent son mandat de six ans en Chine.

M. Malik a annoncé que ce document de 76 pages, qui a le soutien du gouvernement chinois, constituerait un cadre général de travail pour 24 agences de l’ONU, qui apporteront leur soutien à la Chine durant l’application de son 12e Plan Quinquennal (2011-2015).

« Ce plan arrive à un moment essentiel et la période qu’il couvre représente les cinq dernières années avant la date limite des Objectifs de Développement du Millénaire, qui s’achève en 2015 », a précisé M. Malik dans un entretien.

Le travail des Nations-Unies lors des cinq prochaines années dans ces secteurs prendra en considération les priorités nationales et trois approches croisées de la part des Nations-Unies, dont l’égalité des sexes, le rôle de la société civile et une approche basée sur les droits de l’Homme.

Des félicitations pour les dirigeants chinois

En l’an 2000, les dirigeants du monde s’étaient mis d’accord sur huit objectifs, dont faire baisser la pauvreté de moitié d’ici 2015. Ce qui se passera dans les cinq prochaines années nous dira si ces objectifs ont été atteints ou non.

De fait, la Chine a déjà atteint l’objectif de réduction de la pauvreté. Mais d’après M. Malik, pour les autres pays, faire ce que la Chine a fait en trente ans leur demandera probablement entre 100 et 200 ans.

La Chine a sorti 500 millions de personnes de la pauvreté, elle a réussi à assurer la suffisance alimentaire d’une vaste population et accru son soutien aux autres pays en développement.

« La Chine a fourni une énorme contribution, et il y a de nombreuses preuves à l’appui », a dit M. Malik. A la question de savoir pourquoi la Chine a-t-elle pu faire d’aussi énormes progrès lors de la durée de son mandat dans le pays, M. Malik a répondu que le facteur essentiel est le fort engagement des gouvernants chinois.

« La Chine a d’excellents dirigeants, vraiment décidés à faire des progrès et à aider les autres. J’ai eu de nombreuses rencontres avec les dirigeants chinois, et j’ai été frappé par leur sincérité dans leur volonté de réaliser les objectifs qu’ils se sont fixés », dit-il.

Il a ainsi cité le Premier Ministre Wen Jiabao, qui s’exprimait récemment sur la lutte contre le sida lors d’une réunion : « Ce n’est pas seulement là un engagement de mon gouvernement, mais c’est aussi un engagement personnel ».

Au travers de toutes les conversations qu’il a pu avoir lors des cinq années passées avec les dirigeants chinois, M. Malik a souligné que les gouvernants chinois semblaient hautement compétents et savaient ce qui était le mieux pour leur peuple.

« Et ils sont vraiment engagés dans la réalisation de leurs objectifs », a-t-il ajouté. (3)

En ce qui concerne Cuba et l’Amérique latine, les campagnes médiatiques sont des armes de combat. La presse aux ordres, ce qui est devenu un système totalitaire de propagande font la guerre. L’indignation qui nous saisit devant de telles campagnes relève d’un sentiment d’injustice. La Chine est un autre problème, il y a là aussi des orientations médiatiques, la concurrence, les prejugés, mais on peut être inquiet devant ce que ce que l’ignorance de la réalité nous réserve. Tôt ou tard l’occident capitaliste s’il poursuit sur sa lancée va affronter la Chine, déjà la politique d’Obama est un déplacement du terrain vers l’Asie centrale et il me semble que nous avons intérêt à lutter dès maintenant contre la vision que l’on tente de nous construire sur la Chine, « le péril jaune », le « modèle autoritaire dangereux », etc…

Si l’apathie que l’on crée dans la population française sur les questions de la guerre et de la paix s’aggrave et je ne vois pas comment cela s’améliorerait, nous serons victime à terme d’une énorme déflagration dont nous avons eu quelques avant-goûts dans deux guerres mondiales et l’expérience d’Hiroshima. Il serait temps de se mieux connaître et d’ouvrir le dialogue.

Danielle Bleitrach

(1) Le grand bond en avant ( 大跃进, Dà yuè jìn) lancé par MaoZedong a été mis en œuvre de 1958 au début 1960. Il s’agit non seulement d’une accélération de la collectivisation agricole mais également d’un équipement industriel des campagnes. Et aussi une politique de grands travaux en particulier d’aménagement des fleuves. Si les statistiques démontrent le caractère irréaliste d’un tel plan, il faudrait fouiller plus avant la question de l’aménagement fluvial, le fait est que grâce à cet aménagement les crues du Huanghé, fleuve jaune toujours meurtrières n’ont jamais désormais atteint les millions de morts des divagations du fleuve qui peut balayer de ses crues 800 km en changeant d’embouchure comme il y en a eu à la fin de l’empire en 1851, alors que le pays est dévasté par la sécheresse et que le fleuve divague, que la paysannerie est la proie des seigneurs de la guerre et des appétits étrangers il y a eu à la fin des années 1840 la guerre de l’opium. Ce qui se passe alors est absolument atroce, la Chine de pays un des plus développé du monde au XVIII e siècle tombe dans le sous développement au XIX e. La politique de Grands travaux de Mao Zedong est aussi la réponse à cette situation terrible et cette réponse se fait « à main nues » dans l’hostilité générale. Le fait est que désormais les victimes des crues se comptent par dizaine de milliers et plus par millions.

(2) En écrivant cet article j’écoute l’émission de télévision « Thalassa » sur le Kerala, qui est on le sait un des Etats indiens qui a eu une gestion communiste, là aussi on voit l’effort d’éducation, de santé et de relative égalité des femmes (qui se heurte à la question de la « dot »). Et là encore,je constate qu’il se dit beaucoup de bêtise sur la Chine, sur le déséquilibre homme femme (il y a actuellement 30 millions d’hommes de plus que de femmes), on l’attribue à la politique de l’enfant unique sans voir qu’en Inde où il n’y a pas cette politique, les déséquilibres sont encore plus forts, dans certains états, on a abouti à sept femmes pour dix hommes. Ce que je propose est une véritable analyse qui permettrait de mieux appréhender le temps qu’il faut au socialisme pour dépasser le mélange de traditions et de déformations capitalistes dans lequel il se développe nécessairement et qu’il ne peut pas franchir d’une manière purement volontariste mais une politique volontaire est nécessaire, ni avec une vision « idéologique » mais la lutte idéologique est indispensable. Rien ne me met plus hors de moi que ceux qui prétendent que je fais des socialismes un « paradis » car ce qui m’intéresse est justement le développement de cette contradiction entre objectif socialiste, voir communiste et « possibles » des contraintes tant sur la plan matériel que culturel.

(3) "Quotidien du Peuple" en ligne.

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