Certains n’ont que ça en tête
"Union de la gauche", débat d’actualité brûlante, débat stratégique. Avancer dans les échanges

, par  Paul Barbazange , popularité : 1%

Quitte à entrer en contradiction (parfois de façon opposée !) avec quelques uns de ceux avec qui je milite, je vous livre mon appréciation du moment. Si ça peut aider à ce que le débat se poursuive et prenne de l’ampleur, j’aurai réussi à ma petite place. Tout change, parfois vite, l’expérience grecque pèse lourd. L’unité du parti ne pourra se maintenir, éventuellement s’améliorer, qu’en allant au fond des questions que la vie nous pose.

"Union de la gauche", débat d’actualité brûlante, débat stratégique.

Question des plus complexes structurant le mouvement populaire et pourtant si souvent éludée par les uns et les autres quels que soient les points de vue.

Si l’on en croit les sondages, les deux partis qui ont modelé l’histoire de ces dernières décennies de la cinquième République (LR-dernière appellation- et PS) risquent fort de ne pas être présents par leur candidat au second tour des présidentielles. Champ libre serait donné par les électeurs au social libéral Macron opposé à Le Pen pour l’extrême droite. Du coup, à gauche chacun réfléchit, suppute, espère ou désespère... "Et si Mélenchon et Hamon se mettaient d’accord ? Ils approcheraient la barre des 25 % apparemment nécessaires pour être dans cette fameuse course du second tour". Encore qu’ajouter des intentions de vote pour Hamon et pour Mélenchon en comptant une belle addition, paraît hasardeux. L’expérience des cinq dernières années est là, sans même remonter à 81-83, à la gauche plurielle et appellations plus récentes.

Par contre un élément est certain, un fonctionnement ancien disparaît : le bipartisme UMP/LR – PS construit autour de la constitution gaullienne par Mitterrand et ses successeurs, ne fonctionne plus au profit des mêmes. Le très socialiste "vote utile anti Le Pen" risque d’échapper à ses principaux promoteurs.

Avec cette évolution, c’est la forme même de l’union de la gauche prise depuis 1965 soit plus de 50 ans qui peut enfin devenir une question de débat stratégique. Non pas "la forme" mais les formes successives dans des rapports de force différents, depuis la première candidature Mitterrand au nom de la FGDS, aux 21% de Jacques Duclos en 1969, à la signature du programme commun en 1972, au raz de marée municipal de 1977, puis la même année l’échec de la réactualisation du "programme commun" ; jusqu’à 1981, le tournant de 83 ; plus tard "la gauche plurielle" ; (déjà en 2002 pas de PS au second tour !) et enfin un François Hollande dans l’inaptitude de se représenter. Hamon balayant Valls l’instant d’un vote.

Le PCF s’affaiblit pratiquement à chaque scrutin depuis le milieux des années 70.

"L’union de la gauche" dans sa diversité a conduit (ce n’est certainement pas la seule cause !) à un affaiblissement par à coups, mais régulier dans la durée, du PCF et maintenant, en conséquence, à l’éclatement possible du PS issu du congrès d’Epinay.

Il est donc temps, plus que temps, que nous nous posions tous avec sérieux, méthode et pondération, la question de la validité de ce choix stratégique de 1965 et de la façon dont nous l’avons mis en œuvre au fil des années.

Je suis venu à la politique en 65-68. J’ai adhéré au PCF en 1968. Je suis donc comme beaucoup modelé par cette stratégie, l’espoir de sa mise en place, ses avatars, la gestion au coup par coup de ses conséquences. Chef de cabinet du maire de Béziers de 1977 à 1982, et vite secrétaire de section, j’ai mesuré très vite les failles béantes. Ayons bien conscience qu’il ne peut en être de même pour la majorité des adhérents du PCF d’aujourd’hui dont une grande part n’était pas née à l’époque. Ajoutons à cela la dimension spatiale : cette construction ne s’est pas faite de la même façon dans l’Hérault et le Pas de Calais, à Montpellier et à Béziers... et chacun porte son expérience. De plus selon sa position : abstentionniste potentiel, électeur, sympathisant, simple adhérent ou militant responsable, ces questions seront aujourd’hui vécues différemment.

Il faut donc aller à la généralisation et mener le débat avec rigueur historique, respect des individus, implication, avec l’objectif de permettre aux connaissances critiques de chacun, d’évoluer.

Qu’est ce qui est mis en cause par ces résultats ?

 Est-ce le principe même de l’union de la gauche pour accéder à des responsabilités municipales, départementales, dans le gouvernement du pays pour commencer à changer la vie dans une société capitaliste, qui est remis en cause ?

 Ou bien une application de cette stratégie qui à force de systématiser la priorité de l’institutionnel, de l’élection, au fond de "l’isoloir" aurait conduit à cette situation ?

 N’avons-nous pas en conséquence sous-estimé l’action, les luttes revendicatives et politiques, n’y a-t-il pas un lien fondamental systématiquement minoré entre positionnements politiques électoraux et leurs conséquences dans l’affaiblissement des luttes ?

 N’avons-nous pas sous-estimé en permanence la question du parti révolutionnaire, de son existence, organisation, de l’énorme effort constamment nécessaire à son renouvellement continu face aux risques de sclérose, d’absorption par le système et ses institutions ?

Ne nous racontons pas d’histoires ces types d’interrogations ont toujours été présents, parfois, mais de plus en plus rarement, à tous les niveaux. Je me souviens personnellement de l’avant et de l’après mai 68 ou de la période de renégociation du programme commun, quand notre parti était encore dirigé par les acteurs de 1936 et de la Résistance. C’est avec eux, parfois contre eux que s’est installé cette "pratique électorale de l’union de la gauche".

L’articulation élections/luttes a été pratiquée en 36, en 44-45-46-47, en 68, en 95 avec des succès divers... face à cette démarche en 1981, notre parti dans sa masse a accepté de donner à la demande de Mitterrand du "temps au temps". Puis ces dirigeants : Thorez, Duclos, Frachon ont naturellement disparu laissant la place à Marchais, Hue, Gayssot, Marie-Georges Buffet...

Cette nouvelle génération, la mienne, a-t-elle su à temps et même après coup percevoir la nocivité des pratiques d’union telles qu’ils les mettaient en œuvre ? Marchais a hésité, nul ne lui reprochera. Maintenant on voit où en sont les autres : soutenir Macron ou Valls, un candidat France Insoumise contre un candidat de leur parti...

Aucun d’eux, pas plus que chacun des adhérents où électeurs qui aujourd’hui hésite n’est un traître. Ils refusent simplement de voir les résultats qui avec du recul mettent en cause leurs pratiques politiques, et donc la nécessité de revoir la stratégie en tenant compte de tout ce qui s’est passé. C’est beaucoup plus grave pour un dirigeant national que pour un militant.

Reconstruire quoi ?

... un parti communiste de classe et de masse, alors que beaucoup a par ailleurs changé, et changera encore, vite, par la robotisation, la révolution informatique, l’évolution globale des conditions de vie et des mœurs. Seule l’exploitation perdurant avec tendance à l’aggravation au moins depuis 1991. Un parti organisé, permettant à des centaines de milliers d’adhérents d’intervenir consciemment pour préparer une situation révolutionnaire et ensuite agir lors de son déroulement imprévisible. Un parti aidant aux luttes, contribuant à ce que la nécessité de changer le système aujourd’hui, présente mais confuse, devienne pour une majorité un passage obligé. Réfléchissons à la formule théorique "Rupture avec le capitalisme, passage au socialisme" que nous sommes forcés d’utiliser et qui est pourtant totalement incompréhensible dans le rapport de force actuel pour au moins 99% des français.

Est-ce que cela veut dire renoncer à "l’union de la gauche", renoncer la plupart du temps à avoir des élus ? Forme inscrite dans l’histoire de France dès après la Commune. Il me semble que non. Les exploités ont besoin d’être rassemblés pour s’opposer à leurs exploiteurs. Ce n’est pas demain la veille que disparaitra l’illusion sociale-démocrate, expression politique de la division des exploités. Et les communistes français doivent tenir compte de l’histoire de leur pays, de l’histoire de leur parti. Par contre tirer les leçons de 50 ans d’histoire est un devoir. Nous avons tout subordonné à la dimension électorale et il nous en a cuit.

Les conditions d’adhésion à la troisième internationale en 1921 mériteraient, sans en faire des tables de la loi, d’être réexaminées. Tout comme il serait bienvenu en ce 100ème anniversaire de la révolution de 1917 de réétudier avec soin les débats à l’intérieur du parti bolchévik et l’attitude de Lénine marquée me semble-t-il par un souci fondamental : construire l’organisation révolutionnaire tout en aidant de toutes ses possibilités le développement des soviets alors que les bolchéviks y étaient encore minoritaires. Construire le parti révolutionnaire, agir avec les masses, favoriser leur prise de conscience en répondant efficacement dès que possible à leurs attentes : décrets sur la paix, décrets sur la terre en 1917. Aujourd’hui : travail pour tous, salaire décent, sécurité à vie, paix, avenir écologique...

Aujourd’hui nous sommes obligés par le niveau de développement des forces productives de travailler à la transformation révolutionnaire de la société. Ce sera un autre processus qu’en 1789-1793, qu’au moment de la Commune ou qu’en 1917 ; l’espèce humaine et une bonne part de la vie sur terre est menacée par la prolifération des armes nucléaires, par le réchauffement climatique, les pollutions, le pillage de ressources non renouvelables et les guerres. La seule réponse est dans une planification démocratique à court, moyen et long terme, sachons le dire, comme le faisait encore récemment Castro.

Dans l’immédiat, les institutions, les rapports des forces, dans le parti, dans la population nous imposent de chercher à franchir la période électorale en protégeant d’abord les militants et la structure du parti, cellules, section, fédérations. L’expérience des derniers jours montre une réelle curiosité inquiète de nombreux militants, et certainement au delà parmi une part importante de la population. J’ai une expérience précise à Béziers sur la résistance dans l’action au FN et à l’idéologie de la droite extrême-extrême droite. Mener une campagne autonome aux présidentielle paraît plus difficile que de se concentrer sur les législatives, l’un est-il possible sans l’autre ? Personnellement je ne le pense pas. Nous devons débattre des programmes : Mélenchon, France en Commun, propositions du réseau, convergences de plus en plus importantes entre droite et extrême droite. Rapports complexes entre questions électorales et luttes. Chaque parlementaire communiste gagné de haute lutte, circonscription par circonscription, pourra être un point d’appui important à ces luttes et au développement du PCF.

A plus long terme en s’appuyant sur ce que nous aurons contribué à sauvegarder, exiger dans le cadre de conférences nationales et d’un futur congrès, un véritable débat sur la stratégie de ces 50 dernières années. Là aussi, personnellement il me semble qu’il faut renoncer au moins au plan national à la stratégie de "programme commun", de "contrat" facteur, à l’expérience, plus d’attentisme électoral que d’envies et de possibilités d’actions. "Marcher côte à côte et frapper ensemble" a été une façon de travailler pendant le Front populaire et la Résistance. Donner toujours la priorité à ce qui facilite l’action populaire.

L’histoire ne se refait pas, écrivons les prochaines pages.

Aidons aux débats dans l’action.

Paul Barbazange, Béziers le 17/03/2017.

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