Un film
Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...
Venezuela : Furieux, pas désespérés ! Interview de Carolus Wimmer (PCV) à Unsere Zeit (DKP)
Carolus Wimmer, secrétaire aux relations internationales du Parti communiste vénézuélien (PCV) a été reçu au siège du Parti communiste allemand (DKP). Nous publions l’interview qu’il a donnée sur la vie au Venezuela sous les attaques présentes de l’impérialisme nord-américain et sur les perspectives du mouvement bolivarien. Traduction ML pour « Solidarité internationale PCF – vivelepcf » depuis l’édition du 29 mars 2019 de « Unsere Zeit » (UZ), hebdomadaire du DKP.
Unsere Zeit : Les médias dominants en Allemagne présentent un Venezuela où les gens meurent de faim et détestent Maduro. Est-ce la vérité ?
Carolus Wimmer : L’état d’esprit de la population est extrêmement critique vis-à-vis du gouvernement. Il y a un mécontentement, à prendre dans le bon sens du terme. Globalement, on peut dire : la majorité veut, sur le plan des idées, la poursuite de la politique de Chavez. Ce qui signifie une voie révolutionnaire.
UZ : Cela veut-il dire que les gens identifient une voie pour laquelle cela vaut la peine de se battre, ou bien qu’ils sont simplement désespérés devant les salaires si bas et la hausse des prix ?
CW : S’il s’agissait de désespoir, Guaido serait président. Pour le moment, ce n’est pas du désespoir, mais un fort, très fort mécontentement. La population est contre les USA et pour la politique de Chavez. Ils sont prêts à la défendre. Ce qu’il a opéré dans les forces armées, pour l’union latino-américaine, sera défendu. Que les femmes soient désormais reconnues et disposent d’un espace bien plus grand qu’avant, cela sera défendu. Que les peuples indigènes aient maintenant le droit d’être représentés au Parlement en portant leur culture, cela sera défendu. Comme aussi l’accès aux études alors qu’auparavant les familles pauvres n’avaient aucune possibilité d’envoyer leurs enfants à l’université. Tous ces acquis seront défendus.
UZ : Mais, dans le même temps, avec l’inflation et aussi la corruption, beaucoup des avancées sociales, obtenues sous Chavez, ne sont-elles pas en train d’être reprises ?
CW : Elles sont menacées, c’est exact. Mais, bien que nous ayons un gouvernement réformiste social-démocrate, des efforts sont faits pour remédier à cette situation. Ce n’est pas le cas en Colombie ou en Argentine. Là-bas, pour certains, c’est littéralement le désespoir. Des milliers de personnes dorment dans la rue. Ce sont des exemples qui font clairement voir aux Vénézuéliens ce qui les attend en cas de changement de régime. De tout cela résulte un mélange de critique, d’insatisfaction, aussi parfois de colère, spécialement face à la corruption, et de soutien au gouvernement.
UZ : Et les forces armées sont du côté du gouvernement ?
CW : Les forces armées vénézuéliennes trouvent leur origine, il y a 200 ans, comme armée populaire, une armée qui a commencé par combattre victorieusement le colonialisme, puis a libéré cinq autres pays. C’est une armée qui n’a pas occupé mais libéré. Ce n’est pas pour rien que la Bolivie, par exemple, doive son nom à Simon Bolivar. Au 20ème siècle, avant Chavez, il y a toujours eu des rébellions, au sein des forces armées, contre les gouvernements bourgeois les plus répressifs. Chavez – qui est issu de l’armée – était un résultat de la politique totalement défaillante des partis bourgeois. S’ils avaient mené au Venezuela une politique plus ou moins correcte, personne n’aurait aujourd’hui entendu parler de Chavez. Autrefois, il n’y avait pas d’aide alimentaire, par de services de santé gratuits, il n’y avait que de la pauvreté.
UZ : Aujourd’hui Guaido prétend avec insistance qu’une partie des militaires s’est rangée derrière lui. L’armée est-elle toujours opérationnelle ou bien est-elle divisée ?
CW : 116 soldats et quelques sous-officiers ont changé de camp. Combien compte-on de désertions partout dans le monde ? C’est un chiffre ridicule. 116 sur 240000. Guaido n’est pas capable de dire un mot que ne lui ait été dicté par les cadres américains. Guaido ne mérite même pas que l’on mentionne son nom.
UZ : Mais quand même, il est bien l’instrument des Etats-Unis.
CW : Oui mais, déjà maintenant, pas davantage que cela. Il n’a pas rempli son contrat. Pour quelques-uns, Guaido a représenté effectivement quelque chose comme une lueur d’espoir. Mais il n’a rien été capable d’avancer sinon de s’autoproclamer président. Guaido avait annoncé qu’il arriverait avec 500000 personnes autour de lui et que rien ne le freinerait : en fin de compte, ils étaient 50.
UZ : Les Etats-Unis ont pris des dispositions militaires pour préparer une guerre contre le Venezuela. Y a-t-il encore des possibilités d’éviter cette guerre ?
CW : Ce n’est pas une question à laquelle il est facile de répondre. Il faut empêcher la guerre. C’est aussi, de plus en plus, l’avis d’électeurs de l’opposition, pour qui il est clair, qu’en cas de bombardement de Caracas, nous serons tous sous les bombes. Au sein de l’opposition, une idée s’est imposée : que les groupes fascistes agissent avec une grand brutalité contre ses propres partisans, notamment, le parti « Volonté populaire » de Guaido. C’est pour cela qu’on ne trouve aucune photo, prise dans la dernière période, où l’on voit des politiciens importants de l’opposition accompagner Guaido. A notre avis, les Etats-Unis n’ont plus aucun intérêt à ce que s’édifie une opposition. Ça ne leur importe plus beaucoup que Guaido devienne ou non président. Ce qu’il a promis, par exemple, à une grande partie de l’armée, il ne pourra jamais le tenir. Les Américains ont mal apprécié la situation au Venezuela.
UZ : Arrivez-vous au même constat maintenant après les attaques contre le réseau d’électricité ?
CW : Clairement. C’était leur dernière carte. Le putsch était prévu pour le 10 janvier, jour de la reconduction de Maduro à la présidence. Ils avaient dit qu’ils ne la laisseraient pas passer pourtant Maduro a prêté serment. Ensuite le putsch a été reporté au 23 janvier, puis au 4 février, puis encore au 23 février, puis, après le carnaval, ils l’ont tenté avec la grande coupure d’électricité. Le seul pays qui est en mesure de paralyser un autre pays de cette façon, ce sont les Etats-Unis. Nous sous-estimons souvent, comme d’ailleurs le gouvernement et Maduro, à quel point ils sont supérieurs militairement. Là, ça devait être le coup de grâce et, dans un autre pays, ça aurait réussi. Mais pas au Venezuela. Les gens ont marché des kilomètres puisqu’il n’y avait plus de métro. Puis ils sont arrivés à leur travail et il n’y avait pas de lumière. On ne pouvait pas faire ses courses, acheter quoi que ce soit. Mais il n’y pas eu de révolte contre Maduro. Ils avaient compté que, dans de telles conditions, une population normale se révolterait…
UZ : Mais, malgré cela, vous vous attendez bien à ce que les Etats-Unis lancent de nouvelles attaques.
CW : Ce que nous vivons, c’est la lutte des classes : une lutte des classes visible, qui ouvre aussi des potentialités révolutionnaires, objectives et subjectives. Sans doute seulement quelques-unes mais elles existent. Dans quel autre pays trouvez-vous un ensemble solide, dans la population, de cinq millions de personnes qui sont anti-impérialistes ? Pas révolutionnaires, pas communistes, mais anti-impérialistes.
UZ : Tous les médias et toutes les forces politiques disent en ce moment : « tout est terrible au Venezuela ». Et voilà que les communistes viennent dire : « Il y des potentialités, il y a des raisons d’espérer. » Y a-t-il vraiment un fondement pour le croire ?
CW : Certainement. Si les médias bourgeois avaient raison, Guaido serait au pouvoir et Maduro serait en prison ou à Guantanamo, comme Pompeo le demande, ou, avec beaucoup de chance, à Cuba. La réalité, c’est que les Etats-Unis veulent mettre au pas depuis 20 ans le mouvement bolivarien et qu’ils n’y parviennent pas. La population voit bien comment les Etats-Unis procèdent contre le Venezuela. Et elle sait bien que s’il n’y a soudainement plus rien à acheter, cela ne vient pas du ciel. Dans les années 80, il n’y avait quasiment rien pour la plus grande partie des Vénézuéliens. Avec Chavez tout s’est amélioré pour la population.
UZ : Cela veut dire que cette conscience anti-impérialiste et la force du chavisme sont toujours aujourd’hui assez fort pour résister aux Etats-Unis ?
CW : Sinon les Etats-Unis seraient déjà dans la place. Je suis tout à fait pragmatique. On ne doit pas se laisser illusionner.
Interview publiée dans Unsere Zeit, édition du 29 mars 2019