Anna Persichini est déléguée syndicale CGT du site IBM des Alpes Maritimes.
Peux-tu présenter ton entreprise ?
IBM est une multinationale. Elle a toujours été dans la globalisation, transformation et de fait dans la mondialisation. Ses directives sont toujours venues d’Armonk, siège social mondial. Entreprise informatique reconnue partout dans le monde, elle a orienté son business dans les finances. Elle n’est plus à la pointe du progrès car elle considère que la recherche coûte trop cher, elle préfère investir dans de nouvelles entreprises cotées en bourse et se défaire d’entités qui ne rapportent que peu. IBM France, comme dans les autres pays en Europe et au-delà, n’échappe pas à la norme : suivre les directives qui viennent des États-Unis.
Toute la ligne politique de l’entreprise est basée sur le profit destiné aux actionnaires : ce n’est pas nouveau, cela l’a toujours été. Par contre à partir des années 1990, les salariés l’ont découvert, car la nouvelle grande mesure mise en place a été la fin des augmentations générales. En 2014, c’est aussi la fin de la participation. L’entreprise, même si elle gagne des milliards, sait comment investir dans ses propres filiales pour ne pas faire partager ses bénéfices avec les salariés. Les conditions de travail, comme partout ailleurs, sont désastreuses.
En France même si nous avons toujours des lois pour faire respecter le code du travail cela n’empêche pas la direction d’appliquer ce qu’elle veut au détriment des salariés. Le stress intense dû aux délocalisations, à la surcharge de travail, au manque d’avenir, au manque de remerciement salarial, aux augmentations de procédures strictes et nauséabondes sur la sécurité, j’en passe et des meilleures, tout cela met les salariés mal à l’aise et malheureusement peut aller jusqu’à les pousser suicide.
Quels sont les obstacles politiques au développement de luttes victorieuses ?
L’entreprise a le temps et l’argent pour acheter du dialogue social aussi bien auprès des organisations syndicales « collabos » qu’avec les salariés. La majorité des salariés préfèrent se taire en espérant passer à travers les mailles de la destruction psychologique et des moyens de travail mis en place par la direction. Il y a surtout un défaitisme général et les salariés préfèrent accepter des PSE plutôt que de se battre pour un avenir meilleur. Sans leur donner raison, il ne faut pas oublier que l’entreprise conditionne les salariés à ne penser qu’individuellement et l’entreprise sait les pointer du doigt quand ils n’atteignent pas ses objectifs. D’ailleurs, on l’a vu aussi bien chez IBM que chez d’autres grandes entreprises, faire appel aux politiques n’a abouti qu’à mensonges et pertes de temps pour les revendications des salariés portées aux travers des organisations syndicales.
Comment résister à la mondialisation capitaliste, à la mise en concurrence généralisées (dont l’ANI) ?
Il n’y a rien à faire face à la mondialisation. Il n’y a pas de réaménagement des lois mises en place par les gouvernements de droite comme de gauche.
Il faut repartir de la base de ce que doit être une lutte de classe : rééduquer les masses pour leur apprendre d’où on vient, où nous en sommes et où on va.
Reprendre le bâton de pèlerin du syndicalisme de lutte de classe et non pas faire des propositions dans lesquelles vous avez déjà perdu votre revendication de base et votre crédibilité. L’organisation syndicale n’a rien à vendre, elle est là pour se battre pour un meilleur avenir et cela passe dans l’entreprise par le respect de l’individu, le plein emploi, l’arrêt des délocalisations, les augmentations générales. L’ANI comme les autres lois néfastes pour les salariés doivent être purement et simplement retirés.
Quels sont les obstacles à l’unité des travailleurs de toute origine ?
L’argent. C’est la force du Capital, on achète tout avec l’argent.
Quels sont vos difficultés à vous faire entendre des forces politiques et d’institutions ?
Je n’ai pas à me faire entendre de ces forces car elles représentent le camp adverse et faire partie des institutions c’est déjà avoir perdu la fibre syndicale de lutte de classe. Je reste convaincu que la seule arme face au patronat est la grève générale, tous ensemble et en même temps sans oublier sa reconduction.
Avez-vous besoin d’une force politique qui soit la vôtre ?
Je ne sais pas mais ce dont je suis sûre, c’est que le syndicalisme doit se réapproprier le politique car faire du syndicalisme c’est faire de la politique. L’un ne va pas sans l’autre ; une revendication syndicale, ce n’est pas uniquement pour une entreprise, cela doit être aussi pour tous les citoyens.
Que penses-tu du PCF aujourd’hui ?
Mort, il a tout bonnement oublié les travailleurs. Même si je crois encore aux militants de base, la direction et toutes ses institutions ont trahi les travailleurs.
Quels sont les effets du discours économique et social du FN (anti finance et protectionniste) ?
Le FN ne m’intéresse pas, même si je reste attentive à tous ses mensonges. Il est un des maillons du capitalisme et il doit être combattu comme les autres forces à la solde du Capital. En parler c’est lui donner du crédit. Si la gauche et la gauche de la gauche n’avaient pas oublié les masses populaires, elles ne se seraient pas rapprochées du FN.